Fiscalité immobilière : un durcissement qui inquiète les investisseurs
La fiscalité immobilière se trouve en pleine mutation. Longtemps favorable aux propriétaires bailleurs, elle fait aujourd’hui l’objet d’une réforme profonde qui bouleverse les règles du jeu. Le rapport parlementaire rédigé par la députée Annaïg Le Meur, rendu public en mai 2024, a posé les bases de cette refonte. Son ambition ? Rééquilibrer la fiscalité entre location meublée et location nue, tout en limitant l’attrait des locations de courte durée, souvent accusées d’aggraver la crise du logement.
L’adoption successive de la loi anti-Airbnb en novembre 2024 et de la loi de finances pour 2025 marque un tournant pour les investisseurs. La première a imposé de nouvelles contraintes aux locations saisonnières, tandis que la seconde s’est attaquée au statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP), l’un des régimes les plus prisés par les bailleurs.
Si la volonté de rééquilibrer le marché peut sembler légitime, ces réformes soulèvent de nombreuses interrogations. En réduisant l’attractivité de l’investissement locatif, ne risque-t-on pas d’aggraver la crise du logement ? Déjà confrontés à une hausse des taux d’intérêt et à un durcissement des conditions d’emprunt, les investisseurs voient leur rentabilité s’effriter. À l’heure où la demande locative explose, faut-il vraiment pénaliser ceux qui mettent des logements sur le marché ?
Je vous propose un décryptage des mesures adoptées et de leurs conséquences pour les propriétaires bailleurs.
Fiscalité immobilière : la loi anti-AirBnb
Le marché immobilier évolue, et avec lui, la législation se durcit. Entre encadrement des locations saisonnières et réforme du statut LMNP, les propriétaires doivent s’adapter. Voyons d’abord ce qui change du côté du AirBnb.
Le contexte de la loi du 19 novembre 2024
La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 vise à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale. On l’appelle déjà la loi anti-Airbnb.
Adoptée le 19 novembre 2024, elle est désormais en vigueur. Son objectif ? Freiner l’explosion des appartements transformés en locations saisonnières sur les plateformes comme Airbnb, Booking ou Abritel. Une tendance qui, selon les élus locaux, a privé le marché de près d’un million de logements autrefois accessibles aux habitants à l’année.
Ce phénomène touche particulièrement les grandes villes et les zones touristiques. Résultat : les loyers flambent, les locations longue durée se raréfient et la vie locale s’en trouve chamboulée. Moins de logements pour les travailleurs, moins de familles qui s’installent, plus de villes-musées vidées de leurs habitants. Les municipalités tirent la sonnette d’alarme et l’État réagit.
Les principales mesures de la loi anti-AirBnb
Regardons ensemble quelles sont les principales mesures de cette loi anti-AirBnb.
Le DPE obligatoire et interdiction de louer des passoires thermiques
Désormais, les meublés de tourisme devront être soumis au diagnostic de performance énergétique (DPE), comme c’est déjà le cas pour les logements loués en longue durée. Dans cette logique, les passoires thermiques seront interdites à la location touristique. Cette mesure contraindra de nombreux propriétaires à réaliser des travaux de rénovation avant de remettre leur bien sur le marché.

Le renforcement de l’encadrement des collectivités territoriales
D’autre part, les collectivités locales disposent désormais de nouveaux outils pour encadrer les locations touristiques.
- La durée maximale de mise en location d’une résidence principale pourra être abaissée à 90 jours par an, contre 120 jours auparavant.
- Les copropriétés pourront interdire la location touristique par un vote à la majorité des deux tiers, une évolution importante par rapport à l’unanimité requise jusqu’alors.
Avec ces règles inédites, l’État espère limiter la transformation des logements en meublés touristiques et rééquilibrer le marché en faveur des habitants. Il reste à voir si ces mesures suffiront à endiguer le phénomène, ou si les propriétaires trouveront d’autres stratégies pour contourner les restrictions.
Le bouleversement de la fiscalité
Cette réforme modifie profondément la fiscalité des locations meublées non professionnelles. En particulier, les plafonds et les abattements fiscaux du régime micro-BIC ont été revus. Depuis le 1er janvier 2025, le cadre fiscal des locations de courte durée a changé de manière considérable.
Une fiscalité plus lourde pour les locations saisonnières
Jusqu’à présent, les meublés de tourisme bénéficiaient d’un régime fiscal particulièrement avantageux. Sous le régime micro-BIC, les locations meublées pouvaient profiter d’abattements fiscaux élevés :
- 71 % pour les meublés classés ;
- 50 % pour les meublés non classés.
Ce système permettait aux investisseurs immobiliers de n’être imposés que sur une fraction des loyers perçus. Par exemple, un propriétaire déclarant 10 000 € de loyers n’était taxé que sur 2 900 € dans le cas d’un meublé classé. Cela représentait, pour un contribuable imposé dans la tranche de barème à 30 %, un impôt total (impôt sur le revenu + prélèvements sociaux) d’environ 1 369 €.
Un abattement fiscal réduit depuis le 1er janvier 2025
Avec la loi Le Meur, l’État a décidé de durcir ce régime fiscal afin de réduire l’écart de rentabilité entre la location de courte durée et la location classique. Désormais, les abattements fiscaux ont été revus à la baisse :
- 50 % pour les meublés classés (au lieu de 71 %) ;
- 30 % pour les meublés non classés (au lieu de 50 %).
Dans les faits, cela entraîne une augmentation de la fiscalité sur les loyers perçus. En reprenant l’exemple précédent, un investisseur déclarant 10 000 € de loyers annuels verra son imposition grimper à 2 360 € pour un meublé classé et 3 304 € pour un meublé non classé.

La réforme du LMNP en 2025
Il fallait s’y attendre, après la loi Le Meur, c’est le statut LMNP qui a été pris pour cible.
Avec l’adoption de la loi de finances pour 2025, la fiscalité des locations meublées connaît de gros remaniements.
Un régime fiscal jusqu’ici très attractif
Pour rappel, le statut LMNP permettait aux investisseurs de bénéficier d’un double avantage fiscal :
- Les revenus locatifs étaient faiblement imposés grâce à la pratique des amortissements.
- Lors de la vente, la plus-value imposable était calculée sur la base du prix d’achat, sans tenir compte de la dépréciation comptable du bien.
Cela permettait aux investisseurs de minimiser leur imposition tout au long de la détention du bien, puis d’échapper à un alourdissement fiscal lors de la revente.
Un avantage fiscal supprimé en 2025
Dans le cadre du budget 2025, le gouvernement a choisi de supprimer cet avantage à la revente. Désormais, les amortissements déduits seront réintégrés dans le calcul de la plus-value imposable. Concrètement, cela signifie que la valeur du bien prise en compte pour déterminer la plus-value ne sera plus le prix d’achat initial, mais le prix d’achat après amortissement comptable.
En voici un exemple :

Cette évolution fiscale pourrait avoir des conséquences importantes pour les investisseurs, en particulier ceux qui ont détenu leur bien pendant de nombreuses années et qui ont bénéficié d’importantes déductions comptables.
Une réforme qui questionne l’avenir du LMNP
Cette nouvelle donne s’inscrit dans la volonté du gouvernement de réduire les niches fiscales liées à l’investissement immobilier. Toutefois, elle soulève une interrogation : jusqu’à quand le régime LMNP restera-t-il attractif pour les propriétaires ?
Aujourd’hui, les abattements pour durée de détention, qui permettent une exonération totale de la plus-value immobilière après 30 ans, restent en vigueur. Mais pour combien de temps ? Cette réforme marque peut-être le début d’un encadrement encore plus strict du statut LMNP dans les années à venir. Un dossier à suivre de près pour les investisseurs.
En bref, la fiscalité immobilière connaît un resserrement sans précédent. Avec la loi anti-Airbnb, les locations de courte durée demeurent désormais plus encadrées et fiscalement moins avantageuses. Dans le même temps, la réforme du statut LMNP en 2025 vient supprimer un des atouts majeurs de ce régime : l’exonération des amortissements dans le calcul de la plus-value à la revente. Ces évolutions traduisent une volonté claire du gouvernement : réduire les incitations fiscales à l’investissement locatif et privilégier la location longue durée. Mais ces réformes posent une question déterminante : ne risquent-elles pas d’aggraver la pénurie de logements en dissuadant les investisseurs ? Entre durcissement des règles et incertitudes fiscales, il devient essentiel pour les propriétaires de bien comprendre ces évolutions afin d’anticiper leurs impacts.
Si vous souhaitez aller plus loin sur ces questions et mieux appréhender les stratégies d’investissement à adopter face à ces nouvelles contraintes, je vous recommande la lecture de mon livre sur la fiscalité immobilière, dont une nouvelle édition paraîtra en 2026. Un ouvrage complet pour comprendre ces bouleversements et en tirer les meilleurs enseignements.